Michel RABAUD

     Bien cabossée. Telle fut ma vie.On ne choisit pas ses parents. Né dans une famille pauvre, très tôt désunie, à six ans mon enfance était terminée. Après, ce fut noirceur, tristesse, pauvreté et martinet.J'avais seize ans lorsque notre père choisit d'en finir avec la vie. Depuis des années, notre mère avait refait sa vie avec un homme de vingt ans plus âgé qu'elle.Cet homme n'a jamais su nous embrasser ni nous aimer. J'avais dix-huit ans lorsque mon frère, qui venait d'être libéré de la guerre d'Algérie, est mort victime d'un accident.

     C'était mon frère aîné, mon modèle, mon guide. En dehors de ce grand frère, mes seuls modèles étaient les oncles, tantes, cousins, instituteurs et professeurs. J'aurais pu devenir voyou. mais j'étais curieux de tout, je ne voulais pas passer ma vie à avoir honte. Je voulais prendre ma revanche.

     Je suis autodidacte, j'ai toujours eu envie d'apprendre. il m'a fallu batailler pour m'en sortir.

     Ma première épouse avait trente-quatre quand la maladie nous l'enleva. Il me fallut du temps pour trouver un équilibre de vie. Sans modèle, ce fut une gageur d'harmoniser ma famille. Mon chemin est passé par l'hôpital psychiatrique. Ce sont les gens de ces services qui m'ont redonné goût à la vie.

     Aujourd'hui, j'aime la vie. J'imagine bien vivre vieux. Même très vieux.